Très heureux à la lecture de cet article du Monde ce week-end sur les fact-checkers dans la campagne électorale aux Etats-Unis. J’avais déjà évoqué le sujet au printemps dans notre campagne électorale à nous (ici et là), il est donc on ne peut plus intéressant de constater l’évolution des choses de l’autre côté de l’Atlantique.
Si les fact-checkers états-uniens sont attaqués, c’est qu’ils dérangent et c’est tant mieux! C’est la « rançon du succès » comme indiqué dans l’article. J’aime bien l’expression « escadrons de la vérité », même si ça fait encore un peu trop militaire à mon goût… A relever également ces deux questions fondamentales : « si un mensonge est efficace, ils vont l’utiliser. Où est-ce que ça laisse le processus démocratique ? » et « Est-ce que les faits vont triompher ? ».
A la première question répond la lourde, très lourde responsabilité des hommes et femmes politiques à ne pas propager ces mensonges et les tensions que ceux-ci peuvent accroître dans la société, et l’aussi lourde responsabilité des médias à ne pas les reprendre ou à les démentir ou les remettre en contexte. On pourrait citer des exemples à l’infini, parmi lesquels ces trois là qui me sont chers et que j’ai déjà évoqués sur ce blog :
- les riches paient proportionnellement moins d’impôts en France que les pauvres (fait jamais évoqué ces jours-ci dans le débat sur les 75%)
- les étrangers rapportent plus à l’Etat français qu’ils ne lui coûtent (fait toujours omis ce qui participe au fantasme dénoncé ici)
- près de la moitié des ayant-droits au RSA ne le demande pas (ce qui alimente cet autre fantasme dénoncé là)
Pour incarner cette (ir)responsabilité localement sur ce dernier sujet, prenons (au hasard!-) la motion que va proposer notre député-maire au prochain congrès de l’UMP. Que peut-on y lire à son dernier point?
Pour garantir la solidarité dont est porteur le pacte social français, il est urgent de le réformer. Dans ce domaine, l’immobilisme vaut abandon. Des réformes de structure qui prennent acte du vieillissement de la population doivent être menées. Il est également impératif de sortir de la logique des droits-créances qui conduit insidieusement à l’assistanat et au ressentiment généralisé pour passer à celle du devoir et de la responsabilité. Cela passe en particulier par un meilleur contrôle des fraudes grâce aux moyens informatiques mais aussi à une véritable évaluation des politiques publiques, qui n’a pas été conduite à son terme pour le RSA. Pas d’aide sans contrepartie, il faut le dire, il faut le faire.
En reprenant cette thématique de l’assistanat, Hervé Mariton participe à son niveau à l’alimentation du « ressentiment généralisé » qui vient le justifier, et au cercle vicieux qui alimente via les médias les fantasmes les plus éloignés de la réalité qui peuvent prospérer dans la population… et auxquels les hommes politiques se sentent obligés de répondre! En évoquant la solidarité du pacte social français et après avoir siégé pendant des années à la commission des finances, celui-ci aurait pu s’attaquer à la fraude et à l’évasion fiscales qui plombent les finances de l’Etat et pour le coup détruisent vraiment le pacte social comme jamais, mais il choisit plutôt délibérément de s’attaquer aux bénéficiaires du RSA, alors que la fraude au RSA ne concerne que 3% des prestations et qu’encore une fois, « le cancer de l’assistanat est plutôt rare« . C’est bien là sa seule, pleine et entière responsabilité que de reprendre ce « mensonge efficace ».
Il en va de même pour la responsabilité des médias ces jours-ci qui oublient pour la plupart de remettre en contexte les mises en garde des riches sur les 75%, en rappelant par exemple la régressivité de notre système fiscal ou en évoquant les stratégies de gestion de patrimoine des plus riches qui leur permettent d' »optimiser » leurs impôts, c’est-à-dire de les réduire significativement. De même l’absence quasi-généralisée de mention de ces fraudes et évasion fiscales comme sources de revenus socialement justes pour « boucher le trou » des finances de l’Etat, comme je l’écrivais au Monde la semaine dernière.
Même si ce dernier exemple relève plus du mensonge par omission que du mensonge délibéré, tout cela nous ramène à la seconde question initiale, qui devrait nous occuper quelques décennies sur de nombreux sujets : « Est-ce que les faits vont triompher ? »
A propos du RSA
« Pourquoi notre lutte contre la pauvreté a échoué ? » s’ interroge Martin HIRSCH .
Selon lui, « on avait prévu de prélever 1,5 milliard sur les riches pour le RSA (financé par une taxe sur les revenus financiers, NDLR), mais il y a eu un hold-up, la moitié n’est pas allée dans la poche des plus pauvres ».
Le taux de « non-recours » au RSA est en effet très élevé, en raison notamment d’une grande méconnaissance du dispositif. Or, pour Martin Hirsch, l’État devrait utiliser la totalité de cet excédent en faveur de la réduction de la pauvreté, ce qui n’est pas le cas. « Il faut qu’on restitue cet argent aux pauvres, auxquels il a été volé », estime l’actuel président de l’Agence du service civique.
la clarté de cette prise de position nous laisse heureusement bien loin de la chasse aux pauvres
du député maire de Crest !