Nucléaire : halte à la propagande!

Tribune envoyée au Crestois le 22 novembre 2011 mais jamais publiée pour des raisons que j’ignore. Cette non publication a été le déclic à l’origine de la création de ce blog.

La propagande sur le nucléaire que nous subissons depuis plusieurs semaines est proprement hallucinante. Ce fut d’abord le chiffre du coût de sortie du nucléaire estimé par le Figaro en septembre, puis en novembre celui du nombre d’emplois qui seraient menacés par cette même sortie, d’après EDF.

Sur la forme, cette propagande est révélatrice de la fébrilité inédite de l’industrie nucléaire française qui panique complètement aux premières remises en cause du dogme.

Sur le fond, elle est pathétique. Les 750 milliards du coût de sortie du nucléaire constituent une caricature d’évaluation économique réalisée sur un coin de table et font passer ses auteurs et ceux qui la reprennent, comme Hervé Mariton le mois dernier sur Europe 1, pour d’aimables guignols. Des estimations plus sérieuses de l’association Global Chance font état de 410 milliards d’investissements pour un scénario de sortie en 2031, contre 470 milliards dans un scénario « business as usual » fondé sur le remplacement des centrales. De même, le million d’emplois soit disant en péril d’Henri Proglio est tellement grotesque que même les grands médias ne l’ont pas gobé tel quel ; en plus d’être complètement surévalué, il ne prend pas en compte les centaines de milliers d’emplois verts qui seraient créés par la transition énergétique. Après nous avoir méprisés et exclus du débat énergétique pendant 40 ans, nos éminents nucléocrates nous prennent désormais ouvertement pour des cons!

Pas un mot sur la sobriété, qui constitue pourtant une source d’économies d’énergie importante et apparaît incontournable et souhaitable dans un monde aux ressources limitées. Pas un mot non plus sur l’efficacité énergétique, qui représente quant à elle rien de moins qu’un gisement massif de « négaWatts » qui nous permettrait de diviser par deux la demande en énergie d’ici à 2050, d’après le scénario négaWatt. Quand on sait que le rendement du système énergétique français tourne autour de seulement 30-40%, symbole d’un immense gaspillage, et que le Japon vient de réaliser en quelques mois après Fukushima jusqu’à 27% d’économies d’électricité dans certains secteurs et 18% pour les ménages dans certaines régions, on reste pantois en entendant Hervé Mariton évoquer mi-octobre sur RFI « une crise énergétique » à venir en l’absence de construction de nouvelles centrales… incompétence ou mauvaise foi?

Cette propagande est une insulte à l’intelligence du citoyen au moment où la campagne présidentielle représente une occasion unique de se réapproprier le débat sur l’énergie. L’enjeu n’est pas mince pour notre vallée puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de se débarrasser le plus vite possible de la seule menace industrielle majeure qui pèse sur elle : la menace nucléaire, à commencer par les centrales de Cruas et du Tricastin. Celles-ci viennent d’être classées par l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire parmi les neuf centrales les plus dangereuses de l’Hexagone (risque d’inondation pour la première, ajouté au risque industriel pour la seconde). Il s’agit également et surtout d’entrer enfin dans la transition énergétique afin de faire diminuer nos consommations d’énergie et de relocaliser sa production sur notre territoire.

J’invite donc tous les habitants de la vallée à se réapproprier le débat énergétique, à parcourir les nombreux ouvrages qui paraissent sur le sujet ces temps-ci, à participer aux événements qui seront organisés ici dans les prochains mois, et à interpeller leurs élus à ce sujet lors de la campagne électorale à venir.

Yann Louvel

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